Photovoltaïque et crédit à la consommation affecté : une jurisprudence de la Cour de cassation protège les emprunteurs en cas de faute du prêteur
L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 juillet 2024 (n° 22-24.754, n° 398 FS-B) marque un tournant majeur dans l’évolution de la jurisprudence en matière de crédit à la consommation affecté. Il précise les conséquences de l'annulation d'un contrat de crédit lorsque le contrat principal, qu'il finance, est lui-même annulé, et renforce la protection des emprunteurs face à des prêteurs fautifs.
- Le cadre juridique et ses évolutions jurisprudentielles Le mécanisme du crédit à la consommation affecté, régi notamment par l'article L.312-55 du Code de la consommation, prévoit que l'annulation ou la résolution du contrat principal entraîne automatiquement celle du contrat de crédit qui en dépend. Jusqu'à présent, la jurisprudence imposait à l'emprunteur de rembourser les sommes avancées par l'organisme de crédit, même en cas d'annulation du contrat principal, sauf si une faute du prêteur pouvait être établie. Cette faute, classiquement retenue par les tribunaux, se manifeste par :
- Une absence de vérification de la régularité formelle du contrat principal (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvois n° 13-26.585 et 14-12.290 ; 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-14.951).
- Un défaut de contrôle de l’exécution complète de ce contrat avant le versement des fonds au vendeur Depuis un arrêt du 25 novembre 2020 (1re Civ., n° 19-14.908), la Cour de cassation avait établi que la privation du droit de restitution du capital prêté à l'emprunteur par la banque nécessitait la preuve d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur. Cette position avait ouvert un débat au sein des juridictions du fond sur la nature du préjudice réparable.
- L’insolvabilité du vendeur comme préjudice réparable L'arrêt du 10 juillet 2024 clarifie les contours de ce préjudice. Il consacre le principe selon lequel l’insolvabilité du vendeur, rendant impossible la restitution du prix versé par l’emprunteur, constitue un préjudice matériel en lien causal avec la faute de la banque, si celle-ci a omis de vérifier la régularité du contrat principal avant de libérer les fonds.
- Un revirement ou un assouplissement de jurisprudence ? Cet arrêt, s'il s’inscrit dans la continuité des évolutions jurisprudentielles, constitue un véritable assouplissement par rapport à l’exigence stricte de preuve du préjudice posée en 2020. Désormais, la haute juridiction reconnaît que l'insolvabilité du vendeur, qui prive l’emprunteur d’une contrepartie réelle, est suffisante pour établir le lien de causalité nécessaire à engager la responsabilité du prêteur.
- Une protection accrue pour les emprunteurs En synthèse, la Cour de cassation prolonge l’objectif du législateur en renforçant la protection des emprunteurs, souvent en situation de vulnérabilité, face à des prêteurs manquant à leurs obligations. Cette décision impose aux organismes de crédit une vigilance accrue dans la vérification des contrats qu’ils financent, sous peine de voir leur créance de restitution neutralisée. Les praticiens du droit devront intégrer cette évolution, notamment dans les litiges où l'insolvabilité du vendeur constitue une donnée incontournable. Cette décision illustre également l’importance d’un équilibre entre les intérêts des prêteurs, des emprunteurs, et des tiers impliqués dans les mécanismes de financement affecté. Cet arrêt du 10 juillet 2024 s’impose comme une référence jurisprudentielle majeure, inscrivant une avancée significative en faveur des droits des consommateurs en matière de crédit à la consommation.